Solennité de la Toussaint
Comme son nom l’indique, la Toussaint est la fête de tous les saints. Chaque 1er novembre, l’Église honore ainsi la foule innombrable de ceux et celles qui ont été de vivants et lumineux témoins du Christ. Cette fête est donc aussi l’occasion de rappeler que tous les hommes sont appelés à la sainteté, par des chemins différents, parfois surprenants ou inattendus, mais tous accessibles.
La sainteté n’est pas une voie réservée à une élite : elle concerne tous ceux et celles qui choisissent de mettre leurs pas dans ceux du Christ. Le pape Jean-Paul II nous l’a fait comprendre en béatifiant et canonisant un grand nombre de personnes, parmi lesquelles des figures aussi différentes que le Père Maximilien Kolbe, Édith Stein, Padre Pio ou Mère Térésa…
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Homélie du père Louis Groslambert pour la solennité de la Toussaint
Frères et sœurs, certains ne voient sur terre que les incivilités et les comportements atroces qui font pleurer. Or à chaque messe, nous disons au contraire que « le ciel et la terre sont remplis de ta gloire ». Avons-nous raison ? Alors que tant de comportements sont désolants, où pouvons-nous voir la gloire de Dieu ? Aujourd’hui l’Eglise répond : vous voyez la gloire de Dieu sur le visage des saints. L’apocalypse dit qu’ils sont 144 000 non pas parce qu’un recensement a été fait par l’INSEE mais parce que 144 000 symbolise la totalité du peuple : 12 tribus x 12 x 1000. La gloire de Dieu rayonne par ceux qui s’opposent à la férocité du monde en s’agenouillant devant les frères fragiles, comme Dieu. La gloire de Dieu rayonne par ceux qui ont le cœur dépourvu de toute prétention, riche en miséricorde, assoiffé de justice… comme Dieu ! Car Dieu est le seul saint, il est trois fois saint, il est la source de toute sainteté parce qu’il s’abaisse devant l’humanité (pensez au Christ qui lave les pieds, agenouillé devant tous, y compris devant Judas !); comme un médecin, il s’abaisse devant les hommes parce qu’il considère qu’ils sont des malades à soigner et non pas des fautifs à punir. C’est pourquoi Jésus dit « mon corps livré pour vous », comme s’il disait que nous les pécheurs, nous sommes plus importants que lui… c’est cela aimer ; c’est cela être saint.
Encore une fois, les mépris, les tiédeurs, les violences, les trahisons… sautent aux yeux, l’humanité est loin d’être sainte. Mais Paul disait « là où le péché abonde, la grâce surabonde » ; et un P. dominicain, le P. Lataste, prêchait ainsi : « Dieu a semblé dire à l’homme : plus tu auras été mauvais, plus je serai bon ; plus tu es coupable et plus je serai miséricordieux ». Dieu nous révèle par sa bonté incommensurable que le péché des humains est insignifiant. Il s’ensuit que les saints sont des gens qui basent tout sur la foi au Dieu d’amour et qui essaient de répondre à cet amour. Nous-mêmes, à force de recevoir cet amour de Dieu, nous finirons par être changés. On ne devient saint qu’en changeant. Ceci me fait penser à cette phrase de Newman : « Vivre, c’est changer ; être saint, c’est avoir beaucoup changé ».
Frères et sœurs, quel changement devrions-nous opérer ? Quelle conversion devrions-nous consentir ? Le levier qu’il faut actionner pour nous convertir, c’est la foi : c’est croire que Dieu nous poursuit de son amour ! C’est croire que la sainteté est présente à la porte d’à côté, puisque des époux s’agenouillent l’un devant l’autre au sens où chacun donne la priorité à l’autre ; puisque les mamans et les papas s’usent la santé pour leurs enfants ; puisque les éducateurs se fatiguent pour la jeunesse ; puisque des gens revendiquent le respect des personnes, même des coupables ; puisque des professionnels de la finance et de la politique s’évertuent à progresser vers la justice… Le Pape François nous fait sa confidence dans son exhortation La joie et l’allégresse § 7 : « J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu : chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades qui continuent de sourire. Je vois la sainteté chez tous ces gens qui vont de l’avant. C’est souvent la sainteté de la porte d’à côté, de ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu ».
Vous-mêmes, frères et sœurs, vous montrez votre sympathie à une personne qui pleure ; la sainteté est en vous. Outrés par les injustices, vous avez soif de voir des relations de justice : la sainteté est en vous. Montrant votre compréhension comme Jésus, vous êtes affectés par ce qui fait souffrir les autres : la sainteté est en vous. Vous offrez un pardon : c’est ça la sainteté. Comme écrit le pape : « Es-tu marié ? Tu peux être saint en aimant et en prenant soin de ton époux ou de ton épouse. Es-tu un travailleur ? Tu peux être saint en accomplissant honnêtement et compétence ton travail. Es-tu père, mère, grand-père ou grand-mère ? Tu peux être saint en enseignant avec patience aux enfants à suivre Jésus. As-tu de l’autorité ? Tu peux être saint en luttant pour le bien commun et en renonçant à tes intérêts personnels (§ 14)
Finalement, quand nous chantons« le ciel et la terre sont remplis de ta gloire, de ta sainteté », nous avons les pieds sur terre, nous sommes très réalistes. Certes, il y a des fraudeurs, des organisateurs d’injustices, des magouilleurs, des gens qui poignardent leur conjoint, leurs enfants, leurs parents, des gens qui mettent dans le désespoir des nations entières… Mais il y a les saints qui, justement au milieu des faiseurs de mal, font exister le Royaume de Dieu avec la justice, le respect, la réconciliation. Nous, les chrétiens, nous disons qu’en ces gens-là qui assurent le service public de la sainteté, Jésus prépare un monde nouveau. Tant qu’il y aura des saints, on peut garder l’espérance.
Nous chantons ‘le ciel et la terre sont remplis de ta gloire’ ; mais nous chantons aussi « béni soit celui qui vient » ! C’est qu’il n’y a de sainteté chez les hommes que parce que Jésus ressuscité vient vivre en chacun. Aujourd’hui, ce ne sont pas les saints qui occupent la place centrale ; c’est Jésus-Christ ! C’est lui qui transforme les hommes. Le P. Lataste le disait bien : « il a des bontés pour tous les misérables ; il a des pardons pour tous les coupables ; il a du baume pour toutes les blessures ; il a de l’eau pour tous les péchés ». C’est Jésus le seul saint.