Jésus conseille souvent de ne pas s’en faire : il dit à Marthe dans l’Évangile de ce dimanche « Tu t’inquiètes pour beaucoup » ; il dit aux foules : « ne vous inquiétez pas pour la nourriture et le vêtement » ; il dit aux disciples avertis de devoir comparaître devant les tribunaux : « ne vous inquiétez pas de ce que vous répliquerez aux accusateurs ». Ne vous inquiétez pas ! Tel est l’un des refrains de Jésus, lui qui ajoute : « je ne vous laisse pas orphelins, je suis avec vous tous les jours ».
- Lire les textes en avance sur AELF
- Pour vivre une célébration de la Parole en famille ou en fraternité avec le p. Louis Groslambert
- Pour soutenir votre paroisse
Prédication du père Louis Groslambert pour le quinzième dimanche du temps ordinaire
Abraham avait des raisons de se faire du souci : vieux tout comme sa femme, il était inquiet d’être sans descendance. Il reçoit la visite de Dieu qui lui promet une descendance et qui met fin à son inquiétude. Il me semble que Jésus conseille souvent de ne pas s’en faire : il dit à Marthe « Tu t’inquiètes pour beaucoup » ; il dit aux foules : « ne vous inquiétez pas pour la nourriture et le vêtement » ; il dit aux disciples avertis de devoir comparaître devant les tribunaux : « ne vous inquiétez pas de ce que vous répliquerez aux accusateurs ». Ne vous inquiétez pas ! Tel est l’un des refrains de Jésus, lui qui ajoute : « je ne vous laisse pas orphelins, je suis avec vous tous les jours ».
Ce conseil d’insouciance me bouscule. J’avais envie de faire l’éloge de Marthe, car je trouvais bien qu’elle se démène pour honorer son hôte ; eh bien j’avais tort puisque, loin de faire son éloge, Jésus la rabroue : « Une seule chose est nécessaire ». Que devons-nous apprendre de Jésus qui juge que Marthe ferait bien d’écouter la parole ? Nous devons apprendre la différence entre Marthe qui veut nourrir le Maître, et Marie qui veut que le Maître la nourrisse. Marthe estime que l’essentiel est ce qu’elle offre à Jésus – et du coup, elle a peur de n’en pas faire assez ; Marie estime que le plus important est au contraire ce que Jésus lui offre. Nous comprenons Marthe car nous avons appris qu’aimer quelqu’un, c’est se décarcasser pour lui ; il nous faut peut-être apprendre qu’aimer c’est admirer comment il se décarcasse pour nous (les gens mariés le diraient mieux que moi : aimer quelqu’un, c’est admirer comment il est attentionné). L’accueil que Marthe pratique est un accueil qui veut donner – et ce n’est pas mal ! ; mais l’accueil que Marie pratique est un accueil qui veut recevoir, et Jésus dit que c’est « meilleur ».
Prenons le cas de saint Paul. Avant sa conversion, Saint Paul, dans un zèle fervent, voulait donner à Dieu son impeccable fidélité de pharisien ; en se convertissant, Paul a compris que Dieu l’aimait, indépendamment de ce qu’il offrait à Dieu ; il a compris qu’il était aimé, par grâce… Il a compris que, croire au Christ nécessitait de se mettre en position de recevoir… comme Marie.
Recevoir, parce que Dieu donne avant qu’on ne lui ait rien donné. Vous voyez que la messe est avant tout l’action de grâce pour les dons de Jésus, de l’Esprit Saint, et pour mille autres dons. Et si nous nous avons la possibilité de nous activer comme Marthe – dans la famille, dans la paroisse, dans la ville – nous venons rendre grâce parce que cette possibilité de nous activer, de pouvoir faire le travail que nous faisons, de prendre les engagements que nous prenons, c’est aussi Dieu qui nous la donne. Si Dieu donne, pourquoi s’inquiéter. Si on s’inquiète, c’est peut-être parce qu’on oublie que Dieu donne.
Mais Jésus qui fait l’éloge de Marie est aussi celui qui félicite Marthe : à Marthe, il dit « j’avais faim tu m’as donné, j’avais soif, tu m’as donné… » Saint Luc, raconte la visite de Jésus chez Marthe et Marie juste après la parabole du bon samaritain : comme s’il voulait enseigner que c’est bien beau de se mettre au pied de Jésus comme Marie et d’aller au temple comme le prêtre et le lévite ; mais il faut mettre la main à la pâte comme Marthe et comme le bon Samaritain. Lire sa Bible et prier ne dispensent pas d’agir ; et agir ne dispense pas de rester à l’écoute du Christ. Normalement, celui qui s’assied pour mendier la Parole s’empresse de réconforter ses frères. Il revient aux chrétiens d’aujourd’hui d’être successeurs du Samaritain et de Marthe, et successeurs de Marie… Jésus fait l’éloge des Marie et des Marthe.
Vous qui ressemblez à Marthe, Jésus fait votre éloge ; mais n’oubliez pas d’être comme Marie car l’homme ne vit pas que de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Et vous qui ressemblez à Marie, Jésus fait votre éloge ; mais n’oubliez pas comme Marthe, de consentir à ce que la Parole vous pousse à agir. Si vous ne commencez pas par écouter la Parole vous pouvez vous inquiéter car vous bâtissez sur du sable. Mais si vous écoutez la Parole et la mettez en pratique, vous construisez sur du roc, vous êtes sans inquiétude.