« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. »
Dans l’Évangile de ce dimanche, par Saint Luc, le Christ parle encore une fois de la prière. Il décrit le pharisien qui semble faire une prière de merci … et le publicain qui fait une prière de demande. Dans la vérité de sa vie, le publicain rencontre la grâce de Dieu, tandis que le pharisien reste coincé dans son auto-justification. Qu’est-ce être un homme juste ? S’ouvrir, dans un instant de vérité, à la miséricorde de Dieu. Comprendre que ma valeur se mesure à la hauteur du don de Dieu, Christ qui a donné sa vie pour moi.
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Prédication du père Louis Groslambert pour le trentième dimanche du temps ordinaire
Le Christ nous parle de la prière. En nous disant, il y a 15 jours, l’épisode du 10ème lépreux qui vient remercier, Jésus a rappelé qu’il faut prier pour remercier ; en nous disant, dimanche dernier la lecture de la parabole de la veuve qui insiste auprès du juge, le Christ nous a dit qu’il faut prier pour demander, sans se lasser, parce que, en priant, on est toujours ex-haussé. Aujourd’hui, par saint Luc, le Christ parle encore de la prière. Il décrit le pharisien qui semble faire une prière de merci … et le publicain qui fait une prière de demande.
Mais pourquoi ai-je dit que le pharisien semble dire merci ? Parce que sa prière est totalement polluée, dénaturée, avariée par le fait qu’il méprise ses frères : étalant ses vertus, le pharisien dit « je ne suis pas comme les autres, je vaux mieux qu’eux ; par mon application j’ai atteint la perfection » En fait, il fait tellement état de sa perfection qu’il dit à Dieu « je n’ai rien à recevoir de toi ». Pauvre homme, il a tout faux ; il a oublié que l’homme n’est que poussière et que la chair est faible ; il bâtit sa vie sur ce qui est le plus fragile, le cœur de l’homme. Le cœur de cet homme est le temple de ses propres vertus, il ne peut pas être le temple de Dieu.
En revanche, le publicain est conscient qu’il a peu de vertu ; et justement, parce qu’il n’est pas le temple de ses propres vertus, il peut être le temple de Dieu. Car écoutez bien sa demande : « prends pitié du pécheur que je suis », autrement dit « n’attends pas que je sois au top de la vertu pour me serrer dans tes bras et me couronner de ta tendresse… ça n’arrivera jamais ; au lieu d’attendre que je sois au top, agis envers moi selon ta miséricorde. »
Autrement dit, encore « Par mes propres forces, je ne suis rien, et sans toi, je ne suis rien »
Sans toi, je ne suis rien. Ça fait penser à la chanson de Jean Ferrat : « que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre ? ». Vous les époux, vous vous dites cela « que serais-je sans toi ? » ; en vous parlant ainsi, vous êtes sur le registre de l’amour ; en priant ainsi, le publicain se place aussi sur le registre de l’amour. C’est sur ce registre que doit se tenir notre prière. Si nous faisons cette prière « que serais-je sans toi », nous prenons appui sur le rocher le plus solide, Dieu.
La 1ère lecture l’affirmait : « la prière de celui qui dit « que serais-je sans toi ? », cette prière traverse les nuées, va directement au cœur de Dieu. C’est pourquoi, s’il y a en nous un manque (de prière, de fidélité, de bienveillance, de ferveur…), ne soyons pas découragés : un vide de Dieu, c’est un vide pour Dieu, un vide où Dieu pourra trouver place.
Saint Luc conclut : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ». Ce vocabulaire (élever, abaisser) suggère qu’on exprime la relation au Dieu de Jésus Christ par une échelle. Spontanément l’homme prétend qu’il rencontrera Dieu s’il monte au plus haut de l’échelle en se crispant sur son observance fidèle des commandements. Mais, Dieu n’est pas au-dessus de l’échelle parce qu’il est descendu au plus bas pour chercher la brebis perdue ; ce n’est donc pas en haut de l’échelle qu’il nous attend, mais au plus bas. Ne nous désolons pas d’être en bas de l’échelle des vertus, de n’avoir gravi qu’un seul échelon dans la prière, d’être redescendus de plusieurs échelons en matière de fraternité… Quand nous sommes au plus bas, nous disons sans mentir : « que serais-je sans toi ?… j’ai tout à recevoir de toi ; mets en moi ta fidélité, ta confiance au Père, ton respect des frères… Dis une parole… que je sois guéri »
Quand nous disons le Notre Père, nous disons la prière du publicain « pardonne-nous » et cette prière nous rend justes. Elle fait qu’au lieu de désirer notre perfection, nous désirons plutôt que le nom du Père soit sanctifié, que son règne vienne…
Enfin, à la messe, c’est le Christ qui dit à chacun : « que serais-je sans toi ?, j’ai besoin de toi ; j’ai besoin de voir ton sourire et tes démarches de réconciliation… je suis l’amoureux qui aime que tu te jettes dans mes bras et que tu travailles pour moi ».