Homélie de Mgr Denis Jachiet pour la messe d’action de grâce pour Benoit XVI
La messe d’action des grâces a eu lieu en la cathédrale Saint Christophe à Belfort ce mardi 3 janvier.
Pour qui rendons-nous grâce ce soir ? Pour un grand théologien du XXe siècle, pour un cardinal gardien de la foi de l’Église pendant 24 ans, pour un pape qui a su conduire la barque de Saint Pierre dans des eaux agitées, pour le premier pape émérite sagement retiré dans la prière ? Pour tout cela mais plus encore pour celui qui s’est montré à travers toutes ses missions un ouvrier fidèle de la Vigne du Seigneur donné au service de la vérité dans la charité. Toute sa vie de prêtre, de théologien, d’évêque, de Cardinal et de pape, il s’est efforcé d’être un « Collaborateur de la vérité » (Jean 3). C’est la devise épiscopale qu’il s’était choisi.
Eduqué dans la ferveur du catholicisme bavarois, il perçoit dès l’enfance un appel à devenir prêtre qui ne le quittera plus. Par ses capacités intellectuelles, ses études brillantes au séminaire, le jeune Joseph Ratzinger était tout destiné à devenir un professeur de théologie et un grand universitaire. Ceci se réalisa successivement à Freising, Bonn, Münster, Tübingen et Ratisbonne. En 1962, il a été appelé à 37 ans comme théologien conseiller auprès du Cardinal Frings et participe aux travaux du Concile Vatican II. Il fait ensuite partie de la Commission théologique internationale. Après avoir été archevêque de Munich pendant 5 ans, il est nommé à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi où il restera 24 ans.
Là c’est le travail incessant de suivi de la recherche théologique du monde entier et de préparation des documents pontificaux. Il sacrifie son œuvre théologique personnelle, si prometteuse au vu des livres de référence qu’il a laissés, au profit du service de l’Église. Je garde le souvenir ébloui du Cardinal Ratzinger échangeant avec nous séminaristes sur les divers sujets de la vie de l’Église. Il rendait intelligentes nos questions maladroites et en profitait pour improviser un enseignement théologique précis et limpide.
Alors qu’à l’âge de 78 ans, il se réjouissait de se retirer en Allemagne pour y prendre sa retraite de préfet de congrégation, il voit le doigt de Dieu se poser sur lui, le désigner au siège de Pierre et lui demander de conduire l’Église à la suite de Jean-Paul II. Quelle charge, quel sacrifice !
Benoit XVI a consacré sa première encyclique non aux subtiles questions doctrinales qu’il avait dû affronter, mais à ce qui est le plus central du message chrétien mais pas le plus facile à cerner : l’amour. Alliant philosophie et théologie, précision et ampleur de vue, le pape y décrit la façon spécifique dont Dieu aime : « le Dieu unique auquel Israël croit aime personnellement. De plus, son amour est un amour d’élection : parmi tous les peuples, il choisit Israël et il l’aime, avec cependant le dessein de guérir par là toute l’humanité. » (Dieu est amour 9)
Appuyé sur la première lettre de St Jean que nous lisons en ce moment, le pape Benoit XVI, nous montre ce qui rend possible pour nous d’aimer à notre tour. Parce que c’est Dieu qui nous a aimés le premier, c’est lui seul qui nous rend capable d’aimer notre prochain. Écoutons comme le pape éclaire notre expérience intime du commandement de l’amour du prochain : « Dieu ne nous prescrit pas un sentiment que nous ne pouvons pas susciter en nous-mêmes. Il nous aime, il nous fait voir son amour et nous pouvons l’éprouver (…) La rencontre intime avec Dieu, devient communion de volonté pour aller jusqu’à toucher le sentiment. J’apprends alors à regarder cette autre personne non plus seulement avec mes yeux et mes sentiments, mais selon la perspective de Jésus Christ. Son ami est mon ami. » (Dieu est amour 17-18) Le grand théologien qui est devenu serviteur des serviteurs de Dieu parle avec la pédagogie d’un maitre de sagesse spirituelle.
L’auteur de l’admirable ouvrage intitulé La mort et l’au-delà est maintenant en présence de Celui qui est la porte et peut se réjouir avec les mots de Saint Paul : « J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie… ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur. » (Rm 8, 38-39).
Le jour de son intronisation en 2005, Benoit XVI se présente lui-même comme « l’humble ouvrier de la vigne du Seigneur ». Il termine son homélie en s’adressant aux jeunes pour leur dire : « n’ayez pas peur du Christ ! Il n’enlève rien et il donne tout. Celui qui se donne à lui reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ – et vous trouverez la vraie vie » Joseph Ratzinger a tout donné au Christ, son intelligence, son temps, son énergie, sa liberté et son courage. Qu’il reçoive maintenant le centuple auprès de son Seigneur.
+ Denis Jachiet