Dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus nous appelle à prier pour que le Maître envoie des ouvriers à sa moisson. Comme baptisés, nous sommes donc envoyés non pas comme des semeurs de la Parole de Dieu mais bien des moissonneurs. Le royaume de Dieu est déjà là, donné, semé gratuitement… il nous appartient d’ouvrir les yeux pour cueillir les fruits !
Prédication du père Louis Groslambert pour le onzième dimanche du temps ordinaire
Il me semble que Jésus bouscule mes idées, lorsqu’il dit qu’il faut prier pour que le Maître envoie des ouvriers à sa moisson. En effet, je m’étais mis dans la tête que j’étais envoyé pour semer la Parole de Dieu ; et que nous devions prier pour que Dieu envoie des prédicateurs, des semeurs. Ce n’est pas faux, mais Jésus dit que notre rôle n’est pas de semer mais de moissonner : « la moisson est abondante, priez le maître d’envoyer des ouvriers à sa moisson ».. Cela veut dire que les semailles sont faites, qu’il nous faut constater que Dieu a déjà semé, que les semailles ont déjà produit des fruits abondants… et qu’il nous revient de lier en de belles gerbes à offrir à Dieu toutes les générosités, toutes les bienveillances, tous les pardons,… qui germent sur terre.
Tous ces gens qui ont développé leur vocation à éduquer, leur vocation à chercher la justice, voilà la moisson que notre peuple prêtre va offrir au maître. Tous ces gens qui font avancer le monde par leur ouverture aux choses spirituelles, voilà la moisson que notre peuple prêtre va offrir au Maître. Tous ces gens qui construisent un amour, une fidélité… au point qu’on les regarde comme sacrements de la présence de Dieu, voilà la moisson que notre peuple prêtre va offrir au Maître. Quand un époux peut dire à son épouse ‘regarde comme notre amour nous a fait grandir’, c’est la joie ; quand le peuple de chrétiens peut dire à Dieu « regarde ce que tes semailles ont produit », c’est aussi la grande joie. L’action de grâce. Vraiment le royaume de Dieu est déjà là, donné, semé gratuitement, sans qu’il soit mérité.
Jésus s’est comporté comme un semeur : quand il a eu pitié de la foule qui vit sans but sérieux ou qui n’a comme but que le terre à terre, il a jeté sur cette foule la semence de la Parole. Mais il s’est comporté aussi comme un moissonneur. En effet, à l’Ascension, il a emporté vers le Père l’humanité fécondée par sa parole.
Alors, il souhaite la collaboration de moissonneurs qui, comme lui, puissent faire en sorte que les épis mûrissent. Il me semble que ce qui fait mûrir, c’est la foi et l’espérance, car un homme sans espérance ne peut pas atteindre sa stature. Alors, vous serez des moissonneurs pour le Seigneur si vous donnez de l’espérance, si vous ressuscitez les morts (c’est à dire, si vous aidez des gens à aller mieux). Vous serez des moissonneurs pour le Seigneur si vous purifiez les lépreux (si vous faites en sorte qu’une personne ne soit plus exclue)… Vous voyez que le champ est très grand, qu’il y faut beaucoup d’ouvriers… Ne priez pas en pensant que le nombre des moissonneurs sera suffisant s’il y a plus de prêtres (ce qui sous entend que les laïcs n’ont pas à se démener) ; priez en pensant que, sur le champ de la moisson, il faut la transpiration des laïcs, de tous les baptisés. Pour faire monter le niveau d’espérance dans le monde, il faut que tous les baptisés remontent les manches jusqu’à donner de leur vie… Merci à tous ceux qui sont les ouvriers du royaume d’amour. Et puis, sachez dire merci à Dieu qui vous a donné une vocation très grande : celle d’être les collaborateurs de l’amour éternel !
Nous disons cela à la messe : nous rendons grâce parce que Dieu a semé abondamment, avant que nous arrivions. Nous rendons grâce parce que pour faire mûrir sa moisson, Dieu a placé au centre de son champ l’épi parfaitement mûr : le Christ mort sur la croix. Nous rendons grâce car Dieu nous fait progresser en maturité en nous invitant à donner notre vie pour les autres. Enfin nous prions pour que le maître de la moisson envoie des ouvriers… nous ne prions pas pour qu’il envoie les autres et nous laisse tranquilles ; nous prions pour qu’il nous envoie, nous aussi, à sa moisson ; nous prions pour qu’il fasse de nous des gens qui chassent le démon du découragement, qui guérisse de la lèpre du chacun pour soi, des porteurs d’espérance.