Et si la la distinction entre César et Dieu n’était pas une séparation ? Nous vivons incontestablement dans un monde qui ne se réfère pas à Dieu et qui justifie l’impôt par l’idée de participation au bien commun ; mais nous, nous nous référons à Dieu pour justifier l’impôt : en effet, Dieu, Père de tous, est intéressé par ce qui se fait en matière d’entraide, en matière de bien commun… grâce à l’impôt.
Prédication du père Louis Groslambert pour le vingt-neuvième dimanche du temps ordinaire
La première lecture révélait que Dieu a rendu possible le retour d’exil par une décision du roi Cyrus, un païen. Ça veut bien dire que, même les non-chrétiens peuvent faire l’œuvre de Dieu… et qu’ils la font notamment quand ils agissent pour le bien commun. C’est pour cela que Jésus invite à rendre à César ce qui est à César.
L’impôt ! Même quand il est prélevé à la source, certains savent s’y soustraire. On rechigne à le payer. Pourtant, parce que nous savons que Dieu, notre juge, nous posera cette question fondamentale : « qu’as-tu fait de ton frère ? », nous trouvons normal de contribuer par l’impôt comme par la quête, dans la mesure de nos moyens, à financer ce qui sert à tous : les routes, les écoles, les hôpitaux, les services publics… Visiblement les impôts ont quelque chose à voir avec la foi en Dieu père de tous. Celui qui croit en Dieu, et particulièrement en Dieu qui s’est fait homme et est mort pour les hommes, celui-là comprend qu’il honore le Père lorsqu’il contribue à ce que les jeunes soient éduqués dans les écoles, que les malades soient soignés dans les hôpitaux, et que tous disposent d’aménagements de toutes sortes. Nous vivons incontestablement dans un monde qui ne se réfère pas à Dieu et qui justifie l’impôt par l’idée de participation au bien commun ; mais nous, nous nous référons à Dieu pour justifier l’impôt : en effet, Dieu, Père de tous, est intéressé par ce qui se fait en matière d’entraide, en matière de bien commun… et ceci, grâce à l’impôt.
Jésus dit « à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu ». Dans certains pays, on ne fait pas la distinction entre le politique et le religieux, entre César et Dieu. Dans ces pays, les dirigeants disent que leurs décisions sont prises au nom de Dieu. Et cela nous étonne : nous nous demandons comment on peut dire que Dieu cautionne les caprices, les calculs, les ambitions des gens au pouvoir… En distinguant le politique et le religieux, on respecte mieux les hommes puisqu’on interdit aux responsables d’imposer à la population ce qui serait présenté comme la volonté de Dieu et qui pourrait n’être que leur caprice ; et on ne salit pas Dieu puisqu’on ne le mêle pas aux caprices et aux ambitions des hommes. A nos yeux, César – le pouvoir civil – n’est pas Dieu ; et en même temps, croire en Dieu ne dispense pas – au contraire – de collaborer avec le pouvoir civil pour le bien commun. Et vous constatez que Jésus – qui est tout dévoué à Dieu – ne formule aucune phrase blessante à l’égard de César, le responsable civil du bien commun.
On le voit, la distinction entre César et Dieu n’est pas une séparation. Dieu nous jugera sur la manière dont nous avons contribué au bien commun… dont César est le responsable. Le Royaume de Dieu ne se situe pas en dehors des sociétés terrestres.
Mais, l’obéissance à l’autorité civile ne supprime pas l’obéissance à Dieu. Il y a des réalités qu’on ne peut pas donner à César. N’appartiennent qu’à Dieu la dignité des pauvres, le soulagement de ceux qui peinent. N’appartiennent qu’à Dieu la décision libre de chacun de s’interdire de sombrer dans le matérialisme ou le racisme et la décision libre de dire sur lui-même « mon corps livré pour les autres ». N’appartiennent qu’à Dieu les choses qui ne sont pas de ce monde : la foi, l’espérance et la charité. Voilà ce qu’il faut offrir à Dieu.
Jésus dit que César n’a pas à exercer son emprise sur le domaine de Dieu (la voix intérieure de la conscience ne peut pas être étouffée par les lois de l’état). Il dit aussi que l’Eglise n’est pas en concurrence avec la société ; l’Église contemple dans la société comment le Saint Esprit met toutes sortes de personnes au service du bien commun et elle apporte un supplément spirituel puisque ceux qui travaillent au royaume de Dieu rendent le plus grand service à la société.
A la messe, nous offrons à Dieu le plus noble impôt : avec le Christ, Dieu incarné dans la société, nous offrons en culte à Dieu les efforts des diplomates, la patience des conciliateurs, les initiatives des pédagogues, les fidélités des époux, les générosités des jeunes, les disponibilités des bénévoles, les attentions des visiteurs de malades… Et au cours des jours, vous rendez à Dieu ce qui est à Dieu, notamment en contribuant au bien commun.