« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 34-40)
Pour bien accueillir le commandement par lequel Dieu vous demande d’aimer, admirez comment Dieu vous aime… de tout son cœur, de toute sa force… Admirez comment le Fils vous aime de toute son intelligence et de toute sa force, jusqu’à mourir… admirez quel amour nous accompagne.
Prédication du père Louis Groslambert pour le trentième dimanche du temps ordinaire
Dieu ou César ? Qu’en est-il actuellement ? Je n’en sais rien. Mais il me semble qu’au siècle dernier, deux positions se sont affrontées : la première disait que pour assurer la promotion de l’homme, il fallait rejeter Dieu, la seconde disait que pour honorer Dieu, il fallait se consacrer aux rites religieux et ne pas s’investir dans les problèmes sociaux. Pour prendre le parti de l’homme, faut-il oublier Dieu ? Pour prendre le parti de Dieu faut-il oublier le service quotidien de l’humanité ? Probablement, beaucoup de français diraient que leur priorité, c’est la solidarité entre hommes. Mais vous, frères et sœurs, entre solidarité et pratique de foi, quelle est votre priorité ? J’espère que, bons soldats, vous répondez « toutes les deux, mon capitaine ! »
C’est en effet, ce que Jésus répond quand on lui demande quelle est sa priorité. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, tu aimeras ton prochain ; de ces deux commandements dépend toute la loi ». En les combinant, Jésus humanise l’amour de Dieu et divinise l’amour du prochain.
Il n’y a pas de concurrence entre ces deux amours. L’attitude d’amour de Dieu n’est pas opposée à l’homme car Dieu enseigne à regarder l’homme comme un fils de Dieu autant que soi-même, comme un frère. Du coup, nos relations humaines sont porteuses de divin..
Frères et sœurs, pour bien accueillir le commandement par lequel Dieu vous demande d’aimer, admirez comment Dieu vous aime… de tout son cœur, de toute sa force… Admirez comment le Fils vous aime de toute son intelligence et de toute sa force, jusqu’à mourir… admirez quel amour nous accompagne, alors que nous sommes pécheurs, loin d’être aimables. La première lecture rapportait la parole de Dieu : « moi, je suis compatissant ». Vraiment, il nous faut aimer Dieu, le seul qui soit à ce point compatissant !
Dès que nous avons contemplé Dieu vivant qui nous aime de tout son cœur, et de toute sa force, nous comprenons que nous ne sommes vivants que si nous nous comportons à l’image de Dieu, en aimant de tout notre cœur, de toute notre force. Et nous comprenons que notre foi a des conséquences sociales : la société ne peut vivre en paix que si les gens sont « compatissants », s’ils prennent soin les uns des autres, s’ils se décarcassent les uns pour les autres. Et si donc la foi a des conséquences sociales indispensables, nous ne pouvons pas choisir entre amour de Dieu et service des hommes.
Les commandements sont la notice du bon fonctionnement de chacun et de la société. Inutile de dire la nécessité de respecter la notice ! Au volant d’une voiture, chacun s’interdit de rouler en 5ème à 30 à l’heure, car, en sous-régime, le moteur se dégrade. Or, j’ai l’impression que nous ne voyons pas de difficulté à vivre notre amour en sous-régime ; nous nous disons « je fais cela, mais pas plus ; Dieu n’en demande pas tant ». Réfléchissant ainsi, nous perdons notre dignité. Frères et sœurs, à l’image de Dieu, nous sommes faits pour aimer de tout notre cœur, de toutes nos forces.
« Tu aimeras ». Quand je dis que l’amour est un commandement, des gens disent que l’amour est spontané et qu’il n’est pas besoin de faire un acte de volonté, et donc pas besoin de commandement. Personnellement, je ne pense pas que Jésus demande le pardon pour ses bourreaux, et meure pour ses bourreaux, spontanément, sans faire un acte de volonté coûteux. Aimer suppose un acte de volonté. J’ai souvent cité aux fiancés la lettre que le chancelier allemand Bismarck avait écrite à sa femme « Madame, je ne vous ai pas épousée parce que je vous aimais ; je vous ai épousée pour vous aimer », avec la volonté de vous aimer. Il faut faire un acte de volonté pour se déranger même pour quelqu’un qu’on aime, pour pardonner même à quelqu’un qu’on aime, pour accepter l’avis contrariant même de quelqu’un qu’on aime…
Saint Paul dit que les chrétiens de Thessalonique se sont détournés des idoles. Or je suis sûr que l’idole la plus redoutable, celle que j’adore hélas et qui me tient prisonnier, c’est « mon moi, mon ego » Le commandement d’aimer les autres est bienvenu pour m’amener à me détourner de cette idole malsaine nommée « moi, je ». Aimer les autres, c’est la santé, c’est le salut.
Le commandement d’amour est une parole de Dieu, donc une parole qui nous crée, qui nous humanise, qui rend la société moins inhumaine parce qu’elle met l’homme au centre.
Le Christ a mis l’homme au centre : « mon corps livré pour vous ».