« Tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup » (Mt 25, 14-30)
L’homme qui a reçu cinq talents s’est vu confier l’équivalent de 100 ans de salaire. Ce que Dieu nous confie, c’est énorme. Ce que Dieu nous confie, c’est notre vie, notre famille, un capital de capacités humaines, artistiques, intellectuelles et spirituelles, et c’est aussi l’appel intérieur pressant à en faire quelque chose pour le bien des autres.
Prédication du père Louis Groslambert pour le trente-troisième dimanche du temps ordinaire
Frères et sœurs, l’homme qui partait en voyage ne manque pas de confiance en ses serviteurs. Rendez-vous compte de la valeur de ce qu’il leur confie. Un talent équivalait à 34 kg d’or et représentait le salaire de 6000 journées, soit en gros le salaire de 20 ans. L’homme qui n’a reçu qu’un talent s’est vu confier quand même l’équivalent de 20 ans de salaire ; celui qui a reçu 2 talents s’est vu confier l’équivalent de 40 ans de salaire ! Et celui qui en a reçu 5 s’est vu confier l’équivalent de 100 ans de salaire. Ce que Dieu nous confie, c’est énorme. Ce que Dieu nous confie, c’est notre vie, notre famille, un capital de capacités humaines, artistiques, intellectuelles et spirituelles, et c’est aussi l’appel intérieur pressant à en faire quelque chose pour le bien des autres. C’est sa Parole d’amour consignée dans le saint Évangile, et le baptême qui nous renouvelle dans l’Esprit Saint, et la prière du Notre Père qui nous situe comme enfants bien aimés, et le pardon, et le sacrement du corps livré qui expriment l’amour infini dont nous sommes bénéficiaires. Énorme ! Dieu nous confie une parcelle de sa capacité à aimer. Et Dieu nous a confié Jésus dont St Paul dit qu’il renferme toutes les richesses de la sagesse et de la connaissance. Frères baptisés, nous avons reçu tout ce qui est à Dieu. Que faire de cet énorme cadeau ? La seule manière de faire fructifier son talent, c’est de se mettre au service des autres.
Dieu a tout confié Jésus, et Jésus agit comme le Père : il confie à douze hommes incultes et sans diplômes de faire fructifier l’énorme capital d’amour qui s’affiche sur la croix. Et nous-mêmes, loin de nous prendre pour des incapables, il nous confie son évangile, son espérance à toute épreuve, sa miséricorde inépuisable…
Peut-être êtes-vous sensibles au fait qu’un serviteur reçoit 5 talents et son voisin n’en reçoit qu’un. Sainte Thérèse de Lisieux, quand elle était enfant, ne comprenait pas cette injustice. Sa sœur est allée chercher un sceau et un dé à coudre puis elle a rempli d’eau et le seau et le dé à coudre ; alors elle a demandé à Thérèse, « lequel est le plus plein, le sceau ou le dé ? » Thérèse a répondu que les deux étaient pleins l’un et l’autre. Eh oui, celui qui n’a reçu qu’un talent ne peut pas être jaloux parce qu’il ne peut pas contenir davantage. Frères et sœurs, on dit « égalité » au sens de « tout le monde pareil » ; st Matthieu dit égalité au sens de « A chacun selon ses capacités ». Si nous avons reçu moins, sommes-nous jaloux de ceux qui ont reçu plus ? Si nous avons reçu plus, méprisons-nous ceux qui ont reçu moins ?
Autre idée : le troisième dit « j’ai eu peur ». Pensons qu’il y a deux peurs, une bonne peur et une mauvaise peur. Le 3ème serviteur a une peur qui le paralyse, qui lui met dans la tête cette pensée : « Puisque le patron est méticuleux, évite les ennuis, fais-en le moins possible ». Il emballe le talent et l’enfouit. Ça peut être notre cas : par exemple quand un appel nous est adressé, on peut ruminer ainsi « si je fais ça, qu’est-ce qui va m’arriver ? Et si je n’ai plus le temps de prier ? et si ça me coûte de l’argent ? et si Untel me prend dans le collimateur ? » et pour éviter les ennuis, on ne répond pas à l’appel. Or les appels de Dieu sont des appels à aimer… n’est-ce pas tragique de les repousser ? Frères et sœurs, avez-vous peur de Dieu, une peur paralysante de Dieu ? (Le pape François dénonce cette paralysie ; il dit « je préfère une Église qui se soit salie en tenant le rôle d’un hôpital de campagne après une bataille, où il est risqué d’opérer, à une Église qui par précaution, par peur, ne se salit jamais »).
Les deux autres serviteurs n’avaient pas cette peur paralysante ; ils avaient une peur stimulante qui leur faisait dire « Ce qui m’a été confié est énorme ; je serais répréhensible si je rendais stérile la force de vie, de miséricorde, de justice que j’ai reçue.
Frères et sœurs, nous avons tout reçu de Dieu. Tant que le Christ n’est pas revenu, il nous faut prendre des initiatives pour que la Parole de Dieu imprègne tout, génère ici la paix, là le pardon, là le développement des êtres.
Finalement cette parabole est une bonne nouvelle car elle écrit en rouge que Dieu fait confiance à l’homme et respecte sa liberté. Du même coup elle fait l’éloge de la foi et de la confiance. Être baptisé c’est faire fructifier ce que Dieu a donné.
Beaucoup parmi vous sont mariés. Quand Dieu vous a confié un époux, une épouse, des enfants… , vous n’avez pas pensé que Dieu voulait votre malheur ; au contraire. Vous avez développé votre capital d’amour… De même pensez que votre baptême est un trésor et qu’il convient de le développer. Pensez que l’Évangile est un trésor et qu’il faut le développer et le partager. À la messe, nous disons cela : « tu es béni toi qui nous donnes : ce que tu nous as donné, augmenté du travail des hommes, nous te le présentons, nous te le rapportons » Et Dieu nous dit « entre dans une joie de maître ; c’est à dire « tu n’es plus serviteur, tu es mon ami, tu communies avec moi »