Peut-on dire que puisqu’une personne a une conduite honorable, c’est une bonne chrétienne ? Peut-on réduire la foi à une morale, comme en ont les non-chrétiens ? Je ne le crois pas, parce que la foi chrétienne demande de mettre au centre la personne de Jésus. Le Christ n’a pas l’ambition d’occuper la place d’honneur : il se met à nos pieds, à notre service, parce qu’il considère que les hommes – y compris les pécheurs – sont plus importants que lui-même… il a l’ambition d’être au service, d’aider les gens à vivre, quoi qu’il lui en coûte.
Prédication du père Louis Groslambert pour le vingt-cinquième dimanche du temps ordinaire
Voilà la question qui hante tout le monde : Qui sera le premier ? Les compétitions sportives, le classement des lycées, l’audimat… partout, au lieu d’avoir pour objectif d’être chaque jour meilleurs que la veille, les gens ont pour objectif d’être supérieurs aux autres. Les enfants jubilent quand ils peuvent dire « j’ai gagné, tu as perdu ». Donc dans notre monde d’ambitieux, le premier, c’est le plus fort, le plus intelligent, le plus riche, le plus malin… Celui qui dirait autre chose ferait tache. Jésus, inévitablement fait tache : pour lui le premier n’est pas celui qui domine mais celui qui sert.
Notez que Jésus a été tenté d’être celui qui domine : sur une haute montagne le démon lui avait dit « tu pourrais dominer sur tous les royaumes ; il suffit que tu te prosternes devant moi ». Frères, vous le savez, Jésus n’a pas voulu dominer de cette manière. Il a voulu être le meilleur non pas en dominant, mais en se mettant aux pieds des disciples et en leur lavant les pieds. Il a voulu être le meilleur en prenant sur lui les péchés des autres. Le Christ n’a pas l’ambition d’occuper la place d’honneur : il se met à nos pieds, à notre service, parce qu’il considère que les hommes – y compris les pécheurs – sont plus importants que lui-même… Écoutez-le dire « mon corps livré pour vous », et voyez où Jésus place son ambition : dans ce monde de dominateurs, de prédateurs, il a l’ambition d’être au service, d’aider les gens à vivre, quoi qu’il lui en coûte.
Cette attitude de Jésus irrite parce qu’en demandant d’honorer non pas le puissant mais le faible, il bouleverse l’échelle habituelle des valeurs. D’après le livre de la sagesse, les gens disent : « le juste nous contrarie, faisons-le mourir ». Effectivement, Jésus contrarie : par sa fidélité il met en évidence nos infidélités ; par son pardon, il met en évidence nos rancunes. Alors c’est quoi croire en Jésus ? C’est avouer que, bien qu’il critique nos choix, en l’occurrence le désir de dominer, c’est lui qui fait le bon choix en décidant de s’abaisser.
Et d’après saint Jacques, nous serons dans le malheur tant que nous n’aurons pas remplacé l’ambition de passer avant les autres par l’ambition de les valoriser comme des frères. Attention, saint Jacques ne dit pas qu’il faut se dévaloriser, mais qu’il faut valoriser les autres. Et Saint Paul dit même, que nous aurons toujours une dette envers les autres, celle de les valoriser.
Peut-on dire que puisqu’une personne a une conduite honorable, c’est une bonne chrétienne ? Peut-on réduire la foi à une morale, comme en ont les non-chrétiens ? Je ne le crois pas, parce que la foi chrétienne demande de mettre au centre la personne de Jésus ; de prendre la personne de Jésus comme référence de tout ; il s’agit d’être en phase le plus possible avec celui qui nous a tant aimés. Et notre foi n’est plus qu’un vernis quand nous ne sommes plus en phase avec Jésus, quand nous ne disons pas comme lui : « mon corps livré pour les autres ».
Aujourd’hui comme à l’époque de la Bible, à tout moment, il y a devant chacun, deux chemins : le chemin du serviteur (ce chemin qui valorise les autres conduit vers la paix, la miséricorde, …) et le chemin du dominateur, du jaloux, de l’orgueilleux… ce chemin conduit vers la discorde, la guerre, la misère des faibles, le terrorisme.
Nous avons tous un brin de pouvoir dans tel ou tel cercle ; dans la famille, dans une association, une entreprise… Souvenons-nous : commander ne donne qu’un seul droit, celui de se dévouer davantage. Dans la liturgie de l’ordination des diacres, il est dit ‘servir, c’est régner ».
Il prit le pain, il le rompit et le donna, en disant « comme je vous donne le pain, je vous donne ma vie ». Voilà les gestes du serviteur ; à nous de prendre le pain (c’est à dire ce qui fait vivre) et de l’offrir aux autres.