Notre Christ porte le titre de roi. Or dans l’Évangile de ce dimanche, il est présenté en position d’accusé, peut-être chargé de chaines, sans avocat, devant un puissant gouverneur. Mais le puissant du moment est à deux doigts de sombrer dans l’oubli, tandis que l’inculpé est à deux jours de ressusciter dans la gloire. Des deux, qui est le vrai roi ? En disant que le Christ est roi parce qu’il est le grand martyr, nous réveillons en nous la conscience que pour être témoin de la vérité, il faut nous mettre sur le chemin exigeant du martyr.
Prédication du père Louis Groslambert pour la Solennité de Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers
Notre Christ porte le titre de roi. Or il est présenté en position d’accusé, peut-être chargé de chaines, sans avocat, devant un puissant gouverneur. Mais le puissant du moment est à deux doigts de sombrer dans l’oubli, tandis que l’inculpé est à deux jours de ressusciter dans la gloire. Des deux, qui est le vrai roi ?
Si nous disions à un enfant : « Nous fêtons Jésus roi : alors, dessine Jésus », il dessinerait un personnage en grand apparat, dans un magnifique salon…. Mais voilà : est-ce que Jésus a porté des vêtements d’apparat et déambulé dans un salon de luxe ? Qualifier Jésus de roi prête à confusion. Car Jésus n’a pas montré sa royauté en pulvérisant les forces romaines d’occupation ; il s’est montré roi quand il a fait voir les aveugles, qu’il a fait entendre les sourds, qu’il a pardonné aux pécheurs. Vraiment Jésus est roi tout autrement que ce gouverneur. Il lui dit : Tu te fais obéir en menaçant par une armée : moi mon autorité est de dire «si quelqu’un m’aime » ; toi, pour financer tes festins coûteux et construire des palais, tu étouffes les gens par de lourds impôts ; moi j’honore les pauvres en allant manger chez eux ; toi, tu portes une couronne en or, moi, ma couronne est d’épines et elle me va bien ; toi tu as sur les mains le sang des autres, moi, le sang que j’ai sur les mains c’est le mien qui coule de mes propres plaies. Toi tu es un roi démagogue, tu flattes les gens pour qu’ils t’applaudissent, et tu punis les coupables ; moi, je suis un roi qui témoigne (jusqu’au martyre) que le seul qu’il faut applaudir, c’est Dieu, l’esprit d’amour, et je donne ma vie pour les coupables.
Frères et sœurs, puisque nous sommes disciples de Jésus, nous devons être en décalage avec le monde ; nous devons estimer que nous rendons service au monde si nous avons des manières originales. Le monde fait passer l’argent avant les personnes ; mais c’est rendre service à l’humanité de donner la priorité aux personnes et pas à l’argent. La majorité des gens n’envisage pas le pardon ; mais la seule manière de servir la paix consiste à résister à l’envie de vengeance. Certains disent que, pour réduire son décalage avec le monde, l’Église doit se mette à la page ; mais puisqu’elle doit annoncer un monde autre que celui-ci qui produit des injustices et des pleurs, l’Église sera toujours en décalage. Être dans le vent n’est pas désirable : il n’y a que les feuilles mortes qui se laissent pousser par le vent ; il n’y a que les poissons morts qui vont dans le sens du courant.
Frères et sœurs, franchement, entre la manière du Christ et la manière du monde, que préférez-vous ? Entre la royauté écrasante à la manière de Pilate et des puissants d’aujourd’hui et la royauté du serviteur Jésus et de tous les serviteurs d’aujourd’hui, que préférez-vous ?
Je termine par une autre observation. Lorsque le Pape Pie XI a institué la fête du Christ roi, il a voulu souligner que la foi au Christ éclaire tous les domaines de la vie. On sait bien que dans notre société laïque, certains pensent que l’on doit s’affranchir du Christ pour réfléchir aux problèmes sociaux, aux relations internationales, à la vie des couples, à la fin de vie… Certains pensent qu’un chrétien fait des rites le dimanche, récite le credo et fait quelques efforts pour être honnête. Eh bien, dès que nous affirmons que le Christ est roi, nous affirmons que toute question humaine et sociale doit être éclairée par le commandement de la charité. Que tout soit éclairé par la charité, par l’amour mutuel, par la bienveillance fraternelle, … c’est probablement cela la vérité à laquelle Jésus est venu rendre témoignage.
Chaque dimanche, nous faisons mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, parce que cela a une influence énorme sur la manière de regarder le monde et sur la manière de conduire notre vie. En disant que le Christ est roi parce qu’il est le grand martyr, nous réveillons en nous la conscience que pour être témoin de la vérité, il faut nous mettre sur le chemin exigeant du martyr. En prenant le sang du martyr nommé Jésus et en disant « c’est le sang de l’alliance de Dieu avec vous », nous réveillons la conscience que notre vocation est d’être témoins de l’alliance, prêts à payer de notre personne pour les autres.