« Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur »
La définition du bien et du mal ne peut pas être confiée à un homme, à aucun homme. Si c’était le cas, il n’y aurait pas de bien objectif et le bien dépendrait des caprices de chacun. Nous avons tous des responsabilités. Pour les exercer, il faut évidemment juger. Mais, comment avoir de la jugeotte sans condamner ? Ou inversement, comment être bienveillant sans être idiot, sans accepter n’importe quoi ?
Prédication du père Louis Groslambert pour le huitième dimanche du temps ordinaire
« Un aveugle ne peut pas guider un autre aveugle ». Cette parole me fait hésiter à vous parler : car je ne suis pas plus avancé que vous dans la connaissance de Jésus, et je n’ai pas plus de lucidité que vous. Ce qui me porte à vous parler, c’est qu’au lieu de dire mes pensées, je dirai celles de Jésus.
Jésus nous dit que Dieu seul n’est pas aveugle, que lui seul est lucide, et donc que lui seul peut guider les hommes et être leur berger. Lui, il n’a pas de poutre dans l’œil, ni même de paille. Et s’il voit nos péchés, il les jette à distance «aussi loin qu’est l’Orient de l’Occident », comme dit le psaume 33. Alors, essayons de regarder les autres comme Dieu les regarde, en laissant à Dieu la charge de les juger. Juger les autres n’est pas de notre ressort. Si nous jugeons les autres – la plupart du temps pour les condamner – c’est avec la prétention d’être comme Dieu, la prétention de définir nous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal. Or la définition du bien et du mal ne peut pas être confiée à un homme, à aucun homme. Si la définition du bien et du mal était confiée à un homme 1/ il n’y aurait pas de bien objectif ; le bien dépendrait des caprices de chacun. 2/ Même s’il a une poutre dans l’œil chacun s’autoriserait à juger les autres.
Certes, Dieu nous a donné notre jugeotte et il faut la faire marcher… Par exemple, vous faites marcher votre jugeotte quand vous récusez toute personne dont les actes sont à l’opposé de ses belles paroles. Cela relève de la jugeotte. Mais en matière de jugement, nous sommes disqualifiés parce que nous ne sommes pas meilleurs que nos frères. Entendant « Que celui qui est sans péché jette la première pierre », tous sont partis… et nous partirions aussi ! Il faut voir clair pour signaler à autrui ses fautes. Un guide de montagne ne peut pas conduire sa cordée s’il n’a pas parcouru lui-même le bon sentier … Or en matière de justice, nul homme n’a parcouru lui-même tout le sentier de la justice, personne n’est impeccable, personne ne peut se mettre en surplomb des autres ; et celui qui a une poutre dans l’œil serait prétentieux de vouloir retirer la paille du voisin.
Frères et sœurs, vous voyez l’avantage de croire en Dieu ; et vous voyez que l’existence de Dieu est la chance de l’humanité. Parce que « Notre Père est au cieux », c’est à dire au-dessus de nos caprices, de nos partis-pris, de nos revendications partisanes, il est le seul qualifié pour définir le bien et le mal ! Parce que Père est au-dessus, il nous faut le prier pour ceux qui ont à diriger leurs enfants, leurs collaborateurs, leur pays… pour qu’ils soient suffisamment clairvoyants… qu’ils ne soient pas aveuglés par leur idée personnelle. Il vous faut prier pour les prêtres pour qu’ils pratiquent ce qu’ils enseignent et qu’ils agissent et parlent selon Dieu. Car un maître mauvais ne peut que fournir de mauvais enseignements comme un arbre mauvais ne peut que fournir de mauvais fruits.
Nous avons tous des responsabilités ; et pour les exercer, il faut évidemment juger. Mais, comment avoir de la jugeotte sans condamner ? ou inversement, comment être bienveillant sans être idiot, sans accepter n’importe quoi ? Regardons encore Dieu : il voit tout ce qui ne va pas, et loin de nous condamner, il nous prie : « ne serait-il pas avantageux que tu changes… ne serais-tu pas un meilleur coopérateur du Dieu d’amour si tu abandonnais ta manie de critiquer qui détériore le climat fraternel, et ton habitude de chercher la petite bête qui te transforme en inquisiteur ? »
Frères et sœurs, le carême va commencer ce mercredi. Dieu va nous prier « revenez à moi ». Exauçons-le sans avoir peur, car Dieu ne regarde pas ce que nous avons été… Il s’intéresse à ce que nous allons devenir… comme un potier ne s’arrête pas au vase non fini mais entrevoit le vase fini. Puissions-nous dire à Dieu : convertis-moi !