Dans l’Évangile de ce dimanche, Thomas passe du besoin de vérifier à la profession de foi. Quel signe a-t-il vu qui ait provoqué ce déplacement ? A quoi devrions-nous être attentifs pour arriver à dire « mon Seigneur et mon Dieu » ?
Thomas – comme tous les autres disciples – avait espéré que Jésus serait le libérateur invincible, et il a été profondément blessé de voir Jésus en position d’échec, subissant la méchanceté, les faux témoignages, les trahisons, les violences. Le terreau dans lequel a germé la foi de ce blessé qu’est Thomas, ce n’est pas une démonstration scientifique ; ce sont les plaies de Jésus. Par ses plaies portées par son corps de ressuscité, Jésus est proche des blessures de Thomas et de chacun de nous.
Prédication du père Louis Groslambert pour le deuxième dimanche de Pâques
Frères et sœurs, dimanche dernier, l’Église a annoncé « le Seigneur est ressuscité ». En êtes-vous parfaitement sûrs ? N’y a-t-il pas quelques doutes dans un coin de votre tête ? Dans la tête des premiers, il y avait des questions et du doute, puisque saint Marc dit que les femmes sont allées au tombeau de Jésus, qu’elles ont reçu le message d’un ange disant « Jésus est ressuscité », et qu’elles tremblent tellement qu’elles n’en disent rien. Saint Marc dit aussi que quand Marie Madeleine raconte qu’elle a vu le ressuscité, les compagnons ne la crurent pas. Et aujourd’hui, saint Jean dit que Thomas a été lent à croire. Ne nous étonnons pas que beaucoup, aujourd’hui, aient du mal de faire ce saut dans la foi. Et nous-mêmes, si nous avons des doutes, ne pensons pas que nous n’avons pas la foi. Pensons seulement que nous nous posons des questions.
Bien sûr, nous sommes imprégnés de l’esprit scientifique selon lequel il faut se méfier des ouï-dire et vérifier par soi-même… comme Thomas ! Mais ce besoin de vérifier n’est pas un manque de foi, car la foi n’est pas la crédulité ; les croyants ne sont ni sots ni obscurantistes. Vous les époux, vous les amoureux, vous ne donnez pas votre confiance à votre conjoint ou à votre ami sans avoir vérifié que la personne est digne de votre confiance. Jésus ne s’offusque pas non plus que les hommes vérifient qu’il est digne de confiance ; justement, il donne des signes qui attestent qu’il est digne de confiance.
Si vous avez des doutes, c’est simplement parce que vous ne savez pas tout de Jésus, et que vous désirez qu’il vous donne des signes supplémentaires. Et de même que vous avez confiance en votre conjoint bien que vous ne sachiez pas tout de lui, de même vous pouvez faire confiance au Christ bien que vous ne sachiez pas encore tout de lui. Thomas passe du besoin de vérifier à la profession de foi. Quel signe a-t-il vu qui ait provoqué ce déplacement ? A quoi devrions-nous être attentifs pour arriver à dire « mon Seigneur et mon Dieu » ?
Thomas – comme tous les autres disciples – avait espéré que Jésus serait le libérateur invincible, et il a été profondément blessé de voir Jésus en position d’échec, subissant la méchanceté, les faux témoignages, les trahisons, les violences. Le terreau dans lequel a germé la foi de ce blessé qu’est Thomas, ce n’est pas une démonstration scientifique ; ce sont les plaies de Jésus. Sa déclaration « si je ne vois pas, je ne crois pas » n’est pas le mot d’un scientifique prétentieux mais le mot d’un homme blessé dans son espérance ; il raisonnait ainsi : « avant d’affirmer que Jésus est ressuscité, je voudrais voir s’il comprend la blessure que je porte » … et il a vu Jésus blessé, avec des plaies. Or nous nous voyons une foule de gens qui, parce qu’ils vivent d’amour, portent des plaies. Ils aiment leur famille, mais une mésentente envenime les liens ; ils aiment leurs enfants, mais ils les voient tourner le dos à l’éducation qu’ils leur avaient donnée ; ils aiment le Seigneur, mais ils souffrent de voir Jésus impuissant à imposer sa loi d’amour et à renverser les injustices ; ils aiment un proche et ils s’usent la santé pour lui. C’est sans doute notre cas. Elles ne manquent pas, les plaies des hommes qui aiment ! La démarche de Thomas nous apprend que le signe de Jésus vivant, ce sont tous ces gens qui, loin de marteler des dogmes, loin d’avoir réponse à tout, consentent à souffrir pour ceux qu’ils aiment, consentent à souffrir par ceux qu’ils aiment.
Thomas a des plaies. Il voit que Jésus porte des plaies, et qu’il a donc un amour infini, un amour que la méchanceté des bourreaux n’a pas supprimé et ne supprimera pas. Frères et sœurs, voulez-vous êtres missionnaires ? Sachons que les gens d’aujourd’hui ont besoin de voir les plaies des chrétiens : ils croiront qu’une espérance est possible s’ils voient des chrétiens prendre de leur temps pour combattre les injustices et les solitudes, prendre des risques pour apaiser des révoltes et des divisions ; ils ont besoin de voir des gens qui disent sur eux-mêmes « mon corps livré ». Frères et sœurs, pour conduire des gens à dire « Mon Seigneur et mon Dieu », il n’y a qu’un chemin : dire sur soi : « mon corps livré », « vous d’abord avant moi ; mes plaies sont secondaires par rapport à votre service ».