Homélie de Mgr Denis Jachiet
Devant les drames humains causés par l’égoïsme ou l’indifférence, devant les scandales bruyamment répercutés par la presse, devant l’accroissement de la pauvreté, nous sommes attristés ou en colère et aussi bien souvent résignés : « qu’y pouvons-nous ? »
Dieu, lui, ne s’est jamais résigné au péché de l’homme. Dès le péché initial de nos premiers parents qui allait inscrire dans l’humanité la marque de l’éloignement de Dieu, il leur donne un gage d’espérance. La femme et sa descendance meurtriront le serpent et sa descendance à la tête. Le serpent et sa descendance, meurtriront la femme et sa descendance au talon. La blessure du péché se transmet à l’humanité comme une blessure au talon qui entrave sa marche vers la sainteté. Certes, elle boite mais elle reste en marche. La puissance de Dieu sur le tentateur se manifeste par la victoire éclatante d’une Femme sur le péché.
Fêter Marie, c’est regarder l’œuvre merveilleuse de Dieu dans l’histoire des hommes !
Regardons l’œuvre de Dieu en Marie : mère du Christ et mère de grâce.
1 – Marie Immaculée, mère de Dieu et mère des hommes.
Les évangiles présentent d’emblée la Vierge Marie comme la maman de Jésus : « Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri ! » (Lc 11, 27) Elle a porté et allaité Jésus, elle l’a élevé avec Joseph afin qu’il soit un homme accompli. Sa manière d’être, d’entrer en relation, de respecter et d’aimer chaque personne, de pratiquer la piété, ce sont ses parents qui en ont été les initiateurs car nous dit-on : « Il leur était soumis. Il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. » (Lc 2, 51).
Marie a œuvré dans la foi à la croissance humaine de Jésus avec un cœur de mère rempli de grâce. L’ange l’a appelée « Comblée de grâce » ou pour traduire plus littéralement « celle qui a été parfaitement remplie de la grâce ». Il n’y a plus aucune place en elle pour le péché ! C’est une mère sans trace de péché qui a initié et accompagné la croissance du Fils de Dieu devenu semblable à nous en toute chose à l’exception du péché.
La maternité immaculée de Marie ne prend pas fin avec la maturité de Jésus. Elle sera même décuplée au pied de la croix lorsqu’elle devient mère de tout disciple de Jésus qui la prend chez lui. Là, dans la mort et la résurrection de son Fils, elle continue d’enfanter, dans la douleur ceux qui se confient à elle. Là, dans son cœur immaculé elle éduque les hommes qui renaissent dans la vie de Dieu. La Vierge immaculée est à la fois la Mère de Dieu et la mère des hommes : la Mère de Dieu, celle qui a porté le Verbe éternel fait homme, et aussi la mère des hommes, celle qui porte les enfants de Dieu.
2 – Marie, mère de la grâce.
Si nous fêtons l’Immaculée Conception, ce n’est pas pour éloigner de nous la Vierge Marie. Préservée du péché, elle demeure proche des pécheurs. Marie accueille avec respect et reçoit tendrement tous ceux qui se tournent vers elle. Pensons à la petite Bernadette s’entendant être vouvoyée par la Dame, et s’exclamant : « Elle m’a parlé comme à une personne ! »
La sainte Vierge n’a pas l’expérience du péché mais elle en comprend mieux que personne la misère. Elle connait les violences qui nous traversent, elle connait les lâchetés qui nous entravent, elle connait les désirs qui endommagent notre aptitude à aimer.
Chacun peut être compris, entendu, soutenu par elle. Sa compréhension ne comporte aucune complicité au péché, ce qui lui permet de tracer pour nous un itinéraire de lucidité, de sens du péché non contaminé par les culpabilités parasites et destructrices. Elle a connaissance des abimes de la miséricorde de Dieu. Elle peut remettre tout homme sur le chemin vers son Fils. C’est une éducatrice sans violence, une initiatrice de la foi qui nous conduit avec la plus douce des pédagogies vers la connaissance des dons de la foi et de la façon de les accueillir.
Faisons confiance à Marie, la merveille de Dieu, le chef d’œuvre de sa grâce. Confions-nous à sa prière. Elle aura toutes les audaces, toutes les initiatives pour nous conduire à la suite de son Fils vers le Bonheur promis.
Terminons avec ces mots
« Le regard de la vierge est le seul regard vraiment enfantin, le seul vrai regard d’enfant qui se soit jamais levé sur notre honte et notre malheur. Oui (…) pour la bien prier, il faut sentir sur soi ce regard (…) de la tendre compassion, de la surprise douloureuse, (…) qui la fait plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue, et bien que Mère par la grâce, Mère des grâces, la cadette du genre humain. » Georges Bernanos