« Ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6, 30-34)
Dans l’Évangile de ce dimanche, la foule assaille Jésus et les disciples au point qu’ils n’ont plus le temps de manger. Jésus il détecte qu’ils sont tous « comme des brebis sans berger ». Le diagnostic de Jésus qui les accueille avec de la tendresse malgré la fatigue, c’est que les gens ont un besoin urgent d’entendre une parole d’amour. Aujourd’hui comme hier, seules les paroles d’estime mettent sur le chemin de la foi et non pas les paroles de reproches.
Prédication du père Louis Groslambert pour le seizième dimanche du temps ordinaire
Vous avez entendu quel attrait Jésus exerce sur la foule. La foule assaille Jésus et les disciples au point qu’ils n’ont plus le temps de manger. Pour offrir un peu de répit aux disciples, Jésus leur demande de s’éloigner ; or la foule a trouvé où Jésus s’est réfugié et elle continue d’assaillir Jésus… Pas moyen d’être tranquille ! A la place de Jésus nous aurions peut-être dit avec agacement : « Lâchez-nous les baskets, laissez-nous quelques minutes de paix ». Or Jésus ne pense pas que la foule le dérange ; il attire à lui tous les hommes d’aujourd’hui comme ceux d’hier et il détecte qu’ils sont tous comme des brebis sans berger ».
J’admire la bienveillance de Jésus ; et je m’interroge : « est-ce que je regarde les gens comme Jésus les regarde comme des gens attirés par le Christ ? Est-ce que, comme Jésus, je suis bouleversé de tendresse devant ceux que je vois ? Est-ce que je devine qu’ils sont comme des brebis sans berger, des gens livrés aux pulsions de la société au point qu’ils ne maîtrisent guère ni l’usage de leur temps, ni l’axe de leurs pensées, au point qu’ils ne sont guère les sujets de leur histoire ? Est-ce que, voyant les difficultés des gens, je vois aussi quel service m’est demandé ? Est-ce que je regarde les gens, ceux dont le comportement me semble critiquable, ceux qui me hérissent … comme Jésus les regarde ?
Jésus, le berger, sait regarder les brebis. Son diagnostic, c’est que les gens ont un besoin urgent d’entendre une parole d’amour. Alors Jésus « se mit à les instruire longuement ». Probablement, bien des délinquants sont devenus délinquants parce qu’ils n’ont pas entendu une vraie parole d’amour ; bien des magouilleurs se sont mis à travestir la vérité parce qu’ils n’ont pas été formatés par une vraie parole d’amour. Je suis donc sûr que les gens d’aujourd’hui ont besoin d’entendre une vraie parole d’amour et d’estime pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils font. C’est pourquoi, dans mes homélies, je n’ai jamais eu l’idée de parler d’un Dieu qui menace ou qui punit ou qui dise que son amour dépend de la droiture des hommes. Je cherche à valoriser les gens, à les remercier… Je trouve que seules les paroles d’estime mettent sur le chemin de la foi et non pas les paroles de reproches. Je prends modèle sur vous, les parents, vous qui faites progresser vos enfants plus par les encouragements que par les reproches.
Parce que le trésor, c’est la parole d’amour, Jésus se mit à les enseigner longuement ! Et c’est pourquoi nous consacrons la moitié de la messe à écouter la Parole de Dieu parce qu’elle nourrit autant que le pain de vie. « Le Seigneur est mon berger ! Il me parle bien ! »
Dans le cadre de la messe, nous disons notre joie de recevoir une vraie parole d’amour. « Mon corps livré pour vous ! » Les gens d’origine juive avaient appris à ne pas fréquenter ou même à haïr les non-juifs. Entre Juifs et non juifs, il y avait un mur de haine. Or, la force du Christ a fait qu’à Ephèse, la communauté réunissait des gens d’origine juive et des non-juifs. Saint Paul commente ce miracle de cohabitation : « le Christ est notre paix, puisqu’il a donné sa vie pour les uns autant que pour les autres ; il a voulu créer un seul homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres par le moyen de la croix ». Effectivement, en disant « mon corps livré pour vous », Jésus indique qu’il est le berger qui donne sa vie pour les uns autant que pour les autres.
Frères et sœurs, nous entendons à chaque messe que le Christ a renversé le mur de la haine. Il n’y a pas de parole d’amour et de paix plus fondamentale. Puissions-nous ne jamais élever un mur de haine, ni même de mépris, ni même d’indifférence. Ayant reçu celui qui a renversé le mur de la haine, puissions-nous être des artisans de paix ! Dans ce cas, nous dirons au monde une vraie parole d’amour. Et les gens croiront que « le Seigneur est le berger » le seul berger qu’il faut suivre.