Dans l’Évangile de ce dimanche, la veuve qui donne à Élie son reste de pain évalue sa vie comme moins importante que la vie du prophète, réfugié émigré. Elle estime que perdre son pain est moins grave que de perdre sa noblesse humaine, sa dignité de fille de Dieu. Jésus avait la même pensée. La seule manière d’assurer notre propre vie, c’est de chercher la vie des autres ; on engendre ainsi la paix et la joie.
Prédication du père Louis Groslambert pour le trente-deuxième dimanche du temps ordinaire
Nous venons d’entendre deux récits qui racontent comment deux veuves donnent le peu qu’elles ont –tout ce qu’elles ont pour vivre – ; elles donnent parce qu’à leurs yeux de croyantes, il y a une réalité qui est plus importante que leur vie.
Nous devinons que Jésus lui-même accomplit l’attitude de ces deux veuves lorsqu’il donne tout ce qu’il a pour vivre. Regardons les deux veuves comme nous regardons Jésus !
La veuve qui donne à Élie son reste de pain évalue que sa vie est moins importante que la vie du prophète ; elle estime que perdre son pain est moins grave que de perdre sa noblesse humaine, sa dignité de fille de Dieu, ce qui arriverait si elle ne faisait pas passer avant elle-même le prophète réfugié émigré. Le bon samaritain qu’est Jésus avait la même pensée.
La veuve qui se présente au temple juge qu’apporter à Dieu le peu qu’elle a est plus important qu’assurer sa survie ; autrement dit, elle estime que toute sa noblesse humaine est dans l’acte de donner. C’est sûrement la pensée de Jésus, lui qui est l’image parfaite du Dieu qui ne sait que donner. Lui qui de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. La lettre aux Hébreux rappelait que Jésus s’est offert une fois pour toutes, parce qu’ayant fait le don absolu sur la croix, il n’avait plus rien à donner… il avait dit selon le psaume 39 « tu ne voulais pas d’offrande, alors j’ai dit « voici je viens ».
Frères et sœurs, comme ces veuves, comme Jésus, vous portez dans votre cœur la conviction que des réalités sont plus importantes que vous. C’est la base de la foi des papas et des mamans qui estiment que la vie de leurs enfants est plus importante que la leur… la foi des soignants dont la préoccupation prioritaire est le soin des malades. La pensée que d’autres sont plus importants que nous fait que « Je » n’est plus une idole ; elle nous rend libre
Le Seigneur observe des gens qui donnent. Il ne se préoccupe pas de savoir le montant de l’offrande de chacun, mais il regarde l’intention du donateur. Ainsi, il repère que certains agissent par ostentation, par goût des mondanités, par hypocrisie. A l’opposé, la veuve qui a nourri Élie et celle qui a mis les 2 pièces dans le tronc n’ont pas agi pour se faire applaudir. Saint Martin que nous fêterons demain et qui a partagé son manteau n’a pas cherché à se faire applaudir.
Puisque nous sommes à la veille du 11 novembre, mémoire nationale des soldats morts en opération, ajoutons que les 80 millions de soldats appelés à la guerre de 14-18 et aussi leurs épouses et leurs familles restées à l’arrière ont agi pour servir une réalité supérieure à leur vie. Et de même des soldats d’aujourd’hui. Évidemment, alors que les veuves avaient le choix de donner ou de garder leur pauvre pécule, les soldats n’ont pas le choix ; mais ils sont embarqués dans un processus où servir la patrie, sous les drapeaux, est plus important que vivre tranquille et même seulement vivre… Comme les veuves de la Bible, les hommes sont toujours appelés par une réalité transcendante. La guerre est toujours absurde puisqu’elle ne règle aucun problème ; pourtant les soldats ne sont pas absurdes quand ils disent qu’une cause a priorité sur leur vie affective, familiale et économique. Tous disent que l’homme n’est jamais aussi grand que quand il reconnaît une transcendance. Du coup, je me demande : pour quelles causes serais-je prêt à donner ma vie ? à user ma santé ? à sacrifier ce que j’aime ?
Élie disait à la veuve que, dans la maison de la femme qui donne, « jarre de farine point ne s’épuisera ». L’Église dit pareillement que rien ne saurait manquer à qui suit le Christ dans l’acte de se donner. « Il n’y a pas de plus grand amour que de pratiquer le don de soi ; que de dire « mon corps livré pour les autres ».
En disant que la référence à une transcendance est le chemin de grandeur humaine, je dis du même coup qu’elle est le chemin de la paix. La cause de la paix est sans doute celle qui mérite que les personnes fassent passer en second leurs liens affectifs et leurs principes et que les pays fassent passer en second leurs avantages particuliers (nous craignons ceux qui disent « mes avantages d’abord »). L’interdépendance des personnes et des pays est telle que tous s’en sortent ou que tous périssent. Ou bien nous vivons tous ensemble comme des frères et nous partageons, ou bien nous mourons tous ensemble comme des fous. Donc la seule manière d’assurer notre propre vie, c’est de chercher la vie des autres ; car on engendre la paix en cherchant la vie des autres.
Frères et sœurs, le Saint Esprit demande à chacun de faire passer les autres avant lui-même. En communiant, nous recevons celui qui a donné tout ce qu’il avait pour vivre ; et qui est ainsi devenu le prince de la paix. Nous aussi, désamorçons cette grenade qui est la volonté d’être prioritaire ; soyons des artisans de paix.