« Va travailler à ma vigne », cela veut dire : deviens le coopérateur de mon amour : c’est à toute heure, à tout âge, que Dieu nous le dit. Dieu embauche pour donner à tout homme l’honneur de participer activement à la réalisation du royaume. Il tient à ce que nous puissions écrire sur notre carte de visite « complice du Dieu d’amour » !
Prédication du père Louis Groslambert pour le vingt-cinquième dimanche du temps ordinaire
Frères et sœurs, Dieu dit à chacun : ‘va travailler à ma vigne’, ne sois pas quelqu’un qui profite du peuple : va apporter ta contribution à mon peuple. En quoi consiste le travail ? A mettre de l’amour là où il y a de la haine, du pardon là où il y a de la rancune, de la fidélité là où il y a des trahisons ! Dans la vigne, dans le peuple, il y a du boulot ! Les artisans de paix, d’espérance, de justice, de fraternité… ont du travail ! « Va travailler à ma vigne », cela veut dire : deviens le coopérateur de mon amour : c’est à toute heure, à tout âge, que Dieu nous le dit.
Les embauchés de la première heure, les premiers chargés d’être complices du Dieu d’amour, ce fut le peuple juif ; les embauchés des autres heures, ce furent les non-juifs, les païens. Et puis il y a ceux qui sont au boulot depuis leur jeunesse, et ceux qui s’y mettent quand ils ont atteint l’âge de la retraite, quand leurs enfants sont devenus grands. Notons que Dieu embauche les uns et les autres pour que son travail soit fait ; mais – et c’est une fameuse bonne nouvelle – il embauche pour donner à tout homme l’honneur de participer activement à la réalisation du royaume de l’amour. « Allez travailler à ma vigne ». Nous-mêmes, sur le pont depuis notre première heure ou après bien des années, réjouissons-nous parce Dieu tient à ce que nous puissions écrire sur notre carte de visite « complice du Dieu d’amour ; ou ambassadeur de la miséricorde de Dieu ; ou serviteur de sa justice, coopérateur de l’amour » ! Voilà pourquoi nous sommes sur terre : c’est pour travailler au royaume de l’amour, en famille, dans le quartier, en prenant soin des enfants, des parents, des fragiles.
Alors, puisque, tel un chef d’entreprise, Dieu nous embauche, avons-nous avec lui une relation pareille aux relations entre ouvrier et patron, une relation marquée par la revendication d’un salaire, l’acquisition de primes ou de mérites ? J’espère que nous sommes au contraire si honorés d’être les complices de la bonté que nous n’attendons pas d’autre récompense que cet honneur. Personnellement si je disais au Seigneur qui est mort pour moi : « parce que j’ai fait plus que 35 heures, j’ai veillé certains soirs et j’ai quelquefois bousculé mon emploi du temps»,… tu dois me récompenser je serais un fieffé prétentieux. Comment dire au Christ qui est mort pour moi « tu me dois encore plus ; tu as une dette envers moi » ?
Après avoir parlé de Dieu qui embauche, parlons de Dieu qui récompense selon une conception de la justice qui lui est propre.
Effectivement, le maître paie ses ouvriers indépendamment du temps de travail et il donne autant à ceux qui ont travaillé peu longtemps qu’à ceux qui ont travaillé longtemps. Cela nous heurte. Mais, quel est votre avis ? Quel est le plus avantageux ? recevoir un salaire limité indexé sur son temps de travail et sa peine ? ou recevoir un salaire illimité à la mesure de l’infinie générosité divine, une mesure bien remplie, tassée, secouée, débordante ? Mon avis, c’est que nous sommes gagnants si la récompense est indexée sur la grâce de Dieu et non pas sur nos mérites. La justice des hommes basée sur les mérites n’est pas un modèle : elle accentue l’inégalité : elle ajoute à la tragédie du chômage de ceux qui n’ont guère travaillé l’absence de salaire à la fin du mois : double peine ; quant à ceux qui ont eu du travail, elle ajoute à une bonne paie la fierté d’avoir réussi leur travail. Bref, la justice selon les hommes légitime l’inégalité et encourage la non fraternité. Alors que la justice de Dieu organise le bien de tous. C’est la bonne nouvelle.
D’ailleurs, vous, les parents qui êtes à l’image de Dieu, ne donnez-vous pas un surcroit d’attention à celui de vos enfants qui a de la peine,… et vous considérez – et vos autres enfants considèrent – qu’en faisant cela, vous n’êtes pas injustes envers les autres enfants qui n’ont pas de peine. Dieu fait comme vous : il donne ce qui est indispensable aux défavorisés de la vie, à ceux qui peinent dans leur vie familiale, à ceux qui passent des années sans santé, sans moral, à ceux qui restent en marge… à ceux qui ne se sont intéressés à la foi que tardivement, à ceux qui ne se sont mis à servir les autres qu’après avoir seulement pensé à eux…
Dernière pensée : le maître de la parabole demande que soient payés d’abord les derniers venus, pour que les premiers soient témoins de son immense bonté envers les défavorisés de la vie ; alors, puissiez-vous admirer Dieu et être les témoins de son immense bonté.