Chaque année la paroisse participe à la bénédiction des cavaliers et de leur montures. Cela se passe en général courant avril, aux alentours de la Saint-Georges, à la sortie d’une messe.
Cette bénédiction est effectuée généralement soit par le prêtre de la paroisse soit par le diacre du doyenné.
Nous avons demandé à Serge ROTA pourquoi il invite les cavaliers à venir chaque année pour cette bénédiction :
Q : Pourquoi demandez-vous la bénédiction des cavaliers ?
R : On sait que depuis le Moyen Age cette tradition existait pour d’autres raisons, il fallait absolument protéger son animal : c’étaient les chevaux de guerre ou de travail aussi c’était un compagnon de route qui était presque plus important que notre vie en gros. Cette tradition s’est plus ou moins éteinte, elle a existé en Camargue où elle était toujours d’actualité et un petit peu en Alsace. Il y a 20 ans j’ai été président d’une association de cavaliers indépendants et on a souhaité remettre en place cette tradition.
Q : Qu’en retirez-vous ?
R : Au départ, c’était plus un rendez-vous avec d’autres cavaliers pour fêter la Saint Georges qui est le patron des cavaliers. C’étaient les premiers rendez-vous que l’on avait au printemps, on sortait nos chevaux. A chaque fois il y a quelque chose de plus fort que cela ; je le sais parce que la majorité des gens ne sont pas croyants ou se disent pas croyants ou ne veulent plus faire partie de cette catégorie-là mais il nous reste à chaque fois un petit peu quelque chose, on a toujours beaucoup d’espérance après une bénédiction.
Q : troisième question en partie déjà répondue : pourquoi à cette époque ?
R : Pour nous c’était tout trouvé, c’est par rapport à Saint Georges, patron des cavaliers. Saint Georges a terrassé le dragon avec son cheval. Cela correspond bien avec les dates du printemps, les premières sorties. Tout ce petit mélange a fait que la mayonnaise a bien pris et l’on a toujours beaucoup de plaisir à se retrouver à cette bénédiction.
Q : D’où viennent tous ces chevaux et cavaliers ?
R : J’étais président d’une association où l’on était 60 à 70 adhérents. Ça s’est dit, le bouche à oreilles a fonctionné et il y a plein de cavaliers de tout le coin, toute la vallée qui ont appris cela. On ne se connait pas, on se donne rendez-vous à l’église, bien souvent la plupart ne m’en font pas part, ils ne me disent pas on vient mais on retrouve des cavaliers à la sortie de l’église.
C : Je me rappelle une fois, à Châlonvillars, vous vous étiez donné rendez-vous puis vous étiez venus par le bois au-dessus du village.
R : Oui c’est cela. Moi j’agrémente cette bénédiction un petit peu avant avec un parcours local ; on fait une heure et demie d’équitation nature avant et je les emmène voir la Pierre du Gaulois, la Croix des Femmes, on passe souvent vers la Croix des Femmes, je leur fais une petite explication des petits sites locaux à visiter.
Q : Vous n’êtes jamais passés par l’oratoire Marie des Geais ?
R : Si, bien sûr, avec la Pierre du Gaulois qui est juste un peu en dessous.
C : La pierre Saint Desles, le menhir qui est juste à côté.
R : Oui, je leur montre un peu tout cela. J’évite de faire tout le temps le même circuit. Ce n’est pas l’ensemble des cavaliers, il y a des cavaliers qui viennent de La Chapelle sous Chaux, de Giromagny, il y en a d’autres qui sont venus de Suarce, le dernier groupe qui est venu un petit peu en retard cette fois-ci (en 2022) il venait de Byans, ce sont des cavaliers que l’on ne connait pas, et c’est eux qui font leur parcours mais on se retrouve tous là.
Q : Est-ce que c’est en rapport avec le pèlerinage de Compostelle que vous avez fait avec un âne, ou est-ce que c’est totalement indépendant ?
R : Moi je suis croyant de base, mes parents étaient très croyants, ils allaient à la messe tous les dimanches, on a été élevés comme cela. On n’est pas pratiquants quotidiennement aux célébrations mais j’ai besoin de temps en temps d’aller me ressourcer. On a perdu un fils, cela nous a couté cher, mon épouse pense que c’est un peu la faute de Dieu, je vous dis cela maladroitement, je fais tout pour lui faire comprendre que l’on est tous mortels et qu’un jour on doit mourir, même si c’était un peu trop tôt pour lui. J’étais passionné d’équitation, j’ai acheté un âne, un petit ânon, et je ne savais pas à quoi je m’engageais avec cela car cela n’a rien à voir, ce n’est pas du tout le même animal qu’un cheval, c’est un cousin d’un équidé mais cela n’a rien à voir ; l’éducation n’est pas du tout la même, par exemple il mangeait le plat de pâtes dans notre assiette. On ne pouvait pas continuer comme cela, l’animal doit rester un animal, on doit le chérir, on doit le protéger, mais chacun à sa place. J’ai lu des livres dont un qui m’a beaucoup inspiré, un livre de Jacques Clouteau qui est parti à Saint Jacques de Compostelle avec un âne, il rapporte son histoire dans ce livre qui est devenu mon livre de chevet et j’ai dit à ma femme : ‟je partirais bien à Saint Jacquesʺ mais j’avais beaucoup de travail, j’étais chef d’une petite entreprise, c’était pas du tout dans le profil de quitter l’entreprise pour partir à Saint Jacques. Mon épouse m’a alors dit : ‟fixe une date et laisses nous tranquille avec ton Saint Jacquesʺ. Mon épouse était en retraite le 1er juillet, j’ai dit le 14 juillet 2005 je pars à Saint Jacques. J’avais prévenu les clients, les employés et me voila partis 3 mois et demi vers Saint Jacques et là c’est pareil, on part randonneur, pour faire une activité plus ou moins un peu sportive où l’on essaie de prendre des ressources sur soi mais on revient pèlerin ; vous êtes marqué au fer rouge, vous ne pouvez pas vous en sortir. Tous les jours, tous les jours, on m’a prouvé que Dieu existe.
Nous avons aussi demandé à Jacques DUCHÊNE, le diacre de notre doyenné, comment se situe cette bénédiction dans la religion :
Q : Pour la religion, à quoi correspond la bénédiction des cavaliers et de leurs montures ?
R : Il faut savoir que les animaux on les bénit en tant que créatures divines, créatures de Dieu. Si on prend le livre de la Genèse Dieu a créé les animaux avant l’Homme et la Femme mais c’est surtout une forme de respect envers les créatures divines et quand on parle des chevaux c’est parce que le Cheval est non pas seulement un animal d’agrément ou de compagnie mais un animal qui sert aussi pour le travail, il est utile à l’Homme pour se nourrir, pour labourer, pour le transport aussi à l’époque. Ce n’est pas du tout quelque chose de superficiel ou de folklorique, c’estau-delà de cela, c’est une forme de respect d’une créature divine, qui est devenue ensuite l’ami de l’Homme et des enfants. Mais en même temps on bénit les équipages, c’est très important ce rapport privilégié entre l’homme et l’animal, ce n’est pas comme si on bénissait un perroquet ou un chien ou je ne sais pas quoi, ce qui existe aussi à Paris mais qui est contesté, alors que là il y a une noblesse, quelque chose de plus profond, ce n’est pas anodin. On bénit un équipage, cela veut dire on bénit une équipe où ils ont besoin l’un de l’autre pour justement un partage des tâches.
Q : Pour vous, en tant que diacre, vous avez l’air d’apprécier cette petite cérémonie, et pourquoi ?
R : J’apprécie parce qu’elle rentre dans le cadre des possibilités et des compétences du diacre, quelqu’un qui, hormis le premier des sacrements qui est le sacrement de l’Eucharistie, a la possibilité de donner 52 bénédictions exactement. Il y a le livre des bénédictions qu’on se procure quand on est ordonné diacre, ministre ordonné, on peut bénir une maison, on peut bénir un bateau, on peut bénir du sel, du pain, et bien sur des êtres humains. C’est aussi le coté, j’aime cette bénédiction parce que on a l’impression aussi d’une ambiance, on sent une communion, et c’est bien de, ce jour-là, confier au Seigneur ce que l’on a de plus cher, le cheval, et l’officiant le fait aussi dans le respect de cette alliance entre l’homme et l’animal. Et j’aime bien le côté campagne, le côté traditions, tout le monde ne le fait pas, certains prêtres sont contre, certains diacres aussi. C’est une question de culture aussi ; par exemple les africains ne comprennent pas trop bien cela. Nous on a un autre respect des animaux ; on n’irait pas jusqu’à dire que les animaux ont une âme mais ils ont une mémoire et des sentiments pour l’homme et c’est cela en fait qui m’intéresse. Moi j’aime bien reprendre l’Evangile de la Genèse mais aussi reprendre l’Arche de Noé, ça c’est important à chaque fois. Et puis il y a un côté convivial, il faut le reconnaître parce que je connais et que l’on me connait dans la région, ce n’est pas un plaisir supplémentaire de le faire, on me demande de le faire et cela fait partie du service et cela fait partie des possibilités de donner ce plus à ceux qui nous le demandent.
Q : Est-ce que vous auriez autre chose à dire
R : Non mais le principe du diacre, les trois piliers du diaconat c’est servir, c’est célébrer et c’est annoncer. Ce genre de célébration en plein air après une messe c’est justement de servir, il y a une notion de service et une notion d’annoncer l’Evangile ; c’est intéressant que des gens qui ne sont pas forcément très pratiquants demandent à un ministre ordonné, un représentant de l’Eglise de venir faire cette démarche. Ils sont là le temps de la célébration qui ne dure pas très longtemps, il y a une forme d’annonce de l’Evangile et donc cela répond aussi aux droits et devoirs du diacre.